DES PROVOCATEURS D'EXTREME DROITE
En 1968, les Américains ont commencé l'entraînement commando en bonne et due forme des gladiateurs sur la base sarde clandestine de l'OTAN. En quelques années, 4000 gradés ont été placés à des postes stratégiques. Au moins 139 caches d'armes, y compris dans les casernes des carabiniers, étaient à leur disposition [Willems, op. cit., p. 90 et Scalia, op. cit., p. 12.]. Pour inciter des jeunes gens à rejoindre cette aventure risquée, la CIA payait de hauts salaires et promettait que s'ils étaient tués, leurs enfants seraient éduqués aux frais des Etats-Unis [Scalia, op. cit., p. 30.].
Les tensions ont commencé à atteindre leur masse critique la même année. Tandis que les dissidents prenaient la rue partout dans le monde, en Italie, les occupations d'universités et les grèves pour des salaires et des retraites plus élevés furent éclipsées par une série de crimes politiques sanglants.
Le nombre d'actes terroristes s'éleva à 147 en 1968, grimpa à 398 l'année suivante, puis atteignit l'incroyable sommet de 2498 en 1978 avant d'aller en diminuant, en grande partie à cause d'une nouvelle loi encourageant les délateurs (les « repentis ») [Sénat américain, « Terrorism and Security ; the Italian Experience », Report of Subcommittee on Security and Terrorism, novembre 1984, p. 62.]. Jusqu'à 1974, les poseurs de bombe d'extrême droite frappant aveuglément ont constitué la force principale derrière la violence politique.
La première explosion majeure eut lieu en 1969 à Milan, piazza Fontana ; elle tua 18 personnes et en blessa 90. Dans ce massacre et de nombreux autres, les anarchistes furent de commodes boucs émissaires pour les provocateurs fascistes qui cherchaient à en rendre responsable la gauche. Répondant à un tuyau téléphonique après le massacre de Milan, la police arrêta 150 anarchistes présumés et en fit même passer certains en justice. Mais deux ans après, un nouveau témoignage conduisit à la mise en accusation de plusieurs néo-fascistes et officiers du SID. Trois anarchistes innocents furent déclarés coupables, mais plus tard acquittés, tandis que les responsables de l'attentat ne furent pas punis par la justice italienne [Frédéric Laurent, L'Orchestre Noir (Paris, Editions Stock, 1978), p. 29, cité par Françoise Hervet, op. cit., pp. 30-31 ; et Willems, op. cit., pp. 102-104.].
Des liens concluants entre Gladio et la violence politique furent trouvés après qu'un avion eut explosé en vol près de Venise en novembre 1973. Le juge vénitien Carlo Mastelloni a établi que l'avion Argo-16 était utilisé pour envoyer des recrues et des munitions entre la base américaine en Sardaigne et les sites de Gladio dans le nord-est de l'Italie [Willems, op. cit., p. 90].
L'apogée de la terreur d'extrême droite fut atteint en 1974 avec deux massacres. L'un, un attentat à la bombe dans un rassemblement antifasciste à Brescia, tua 8 personnes et en blessa 102. L'autre fut une explosion dans le train Italicus près de Bologne, tuant 12 personnes et en blessant 105. A ce moment-là, le président Giovanni Leone, sans trop exagérer, résuma ainsi la situation : « Avec 10 000 civils en armes s'agitant dans tous les sens, comme d'habitude, je suis un président de merde. » [Franco Giustolizi, « Retrovie Parallele », L'Espresso, 18 novembre 1990, p. 15.]
A Brescia, l'appel initial à la police accusa aussi les anarchistes, mais le malfaiteur s'avéra être un agent secret du SID parallèle [Scalia, op. cit., p. 12.]. Un lien semblable fut aussi allégué dans le cas de l'Italicus. Les deux fascistes qui furent finalement reconnus coupables étaient membres d'un groupe clandestin de la police appelé les Dragons Noirs, selon le journal d'extrême gauche Lotta Continua [Christie, op. cit., p. 77.]. Leurs condamnations furent aussi annulées. Alors que dans cette affaire et dans d'autres, de nombreux gauchistes furent arrêtés et jugés, des fascistes ou des néo-fascistes étaient souvent les coupables, en lien avec des groupes de Gladio et des services secrets italiens. Ce qui reflète à quel point ces forces contrôlaient le gouvernement à travers le SID parallèle, c'est que presque tous les éléments d'extrême droite impliqués dans ces atrocités furent ensuite libérés. En 1974, la gauche armée commença à répondre à la terreur d'extrême droite. Elle était partisane d'attaques éclair ciblées par opposition aux attentats à la bombe commis au hasard de l'extrême droite. Les six années suivantes, les militants gauchistes, en particulier les Brigades rouges, réagirent par la vengeance, commettant beaucoup plus d'actes de violence politique que l'extrême droite [Willems, op. cit., p. 94]. L'Italie fut à deux doigts de la guerre civile pendant plusieurs années.
Les tensions ont commencé à atteindre leur masse critique la même année. Tandis que les dissidents prenaient la rue partout dans le monde, en Italie, les occupations d'universités et les grèves pour des salaires et des retraites plus élevés furent éclipsées par une série de crimes politiques sanglants.
Le nombre d'actes terroristes s'éleva à 147 en 1968, grimpa à 398 l'année suivante, puis atteignit l'incroyable sommet de 2498 en 1978 avant d'aller en diminuant, en grande partie à cause d'une nouvelle loi encourageant les délateurs (les « repentis ») [Sénat américain, « Terrorism and Security ; the Italian Experience », Report of Subcommittee on Security and Terrorism, novembre 1984, p. 62.]. Jusqu'à 1974, les poseurs de bombe d'extrême droite frappant aveuglément ont constitué la force principale derrière la violence politique.
La première explosion majeure eut lieu en 1969 à Milan, piazza Fontana ; elle tua 18 personnes et en blessa 90. Dans ce massacre et de nombreux autres, les anarchistes furent de commodes boucs émissaires pour les provocateurs fascistes qui cherchaient à en rendre responsable la gauche. Répondant à un tuyau téléphonique après le massacre de Milan, la police arrêta 150 anarchistes présumés et en fit même passer certains en justice. Mais deux ans après, un nouveau témoignage conduisit à la mise en accusation de plusieurs néo-fascistes et officiers du SID. Trois anarchistes innocents furent déclarés coupables, mais plus tard acquittés, tandis que les responsables de l'attentat ne furent pas punis par la justice italienne [Frédéric Laurent, L'Orchestre Noir (Paris, Editions Stock, 1978), p. 29, cité par Françoise Hervet, op. cit., pp. 30-31 ; et Willems, op. cit., pp. 102-104.].
Des liens concluants entre Gladio et la violence politique furent trouvés après qu'un avion eut explosé en vol près de Venise en novembre 1973. Le juge vénitien Carlo Mastelloni a établi que l'avion Argo-16 était utilisé pour envoyer des recrues et des munitions entre la base américaine en Sardaigne et les sites de Gladio dans le nord-est de l'Italie [Willems, op. cit., p. 90].
L'apogée de la terreur d'extrême droite fut atteint en 1974 avec deux massacres. L'un, un attentat à la bombe dans un rassemblement antifasciste à Brescia, tua 8 personnes et en blessa 102. L'autre fut une explosion dans le train Italicus près de Bologne, tuant 12 personnes et en blessant 105. A ce moment-là, le président Giovanni Leone, sans trop exagérer, résuma ainsi la situation : « Avec 10 000 civils en armes s'agitant dans tous les sens, comme d'habitude, je suis un président de merde. » [Franco Giustolizi, « Retrovie Parallele », L'Espresso, 18 novembre 1990, p. 15.]
A Brescia, l'appel initial à la police accusa aussi les anarchistes, mais le malfaiteur s'avéra être un agent secret du SID parallèle [Scalia, op. cit., p. 12.]. Un lien semblable fut aussi allégué dans le cas de l'Italicus. Les deux fascistes qui furent finalement reconnus coupables étaient membres d'un groupe clandestin de la police appelé les Dragons Noirs, selon le journal d'extrême gauche Lotta Continua [Christie, op. cit., p. 77.]. Leurs condamnations furent aussi annulées. Alors que dans cette affaire et dans d'autres, de nombreux gauchistes furent arrêtés et jugés, des fascistes ou des néo-fascistes étaient souvent les coupables, en lien avec des groupes de Gladio et des services secrets italiens. Ce qui reflète à quel point ces forces contrôlaient le gouvernement à travers le SID parallèle, c'est que presque tous les éléments d'extrême droite impliqués dans ces atrocités furent ensuite libérés. En 1974, la gauche armée commença à répondre à la terreur d'extrême droite. Elle était partisane d'attaques éclair ciblées par opposition aux attentats à la bombe commis au hasard de l'extrême droite. Les six années suivantes, les militants gauchistes, en particulier les Brigades rouges, réagirent par la vengeance, commettant beaucoup plus d'actes de violence politique que l'extrême droite [Willems, op. cit., p. 94]. L'Italie fut à deux doigts de la guerre civile pendant plusieurs années.
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