MEMENTO MORO
Le crime politique le plus choquant des années 70 fut peut-être l'enlèvement et l'assassinat du premier ministre Aldo Moro et de cinq de ses assistants en 1978. L'enlèvement eut lieu tandis que Moro était en chemin pour soumettre un plan de renforcement de la stabilité politique italienne, qui prévoyait l'entrée des communistes au gouvernement.
Des versions antérieures du plan avaient mis les officiels américains dans tous leurs états. Quatre ans avant sa mort, au cours d'une visite aux Etats-Unis en tant que ministre des affaires étrangères, Moro eut droit à la lecture de la loi contre les attroupements séditieux, par le secrétaire d'Etat Henry Kissinger et plus tard par un officiel des services de renseignements anonyme. Témoignant au cours de l'enquête sur son assassinat, la veuve Moro résuma leurs paroles menaçantes : « Vous devez abandonner votre politique consistant à conduire toutes les forces politiques du pays à collaborer directement... ou vous le paierez chèrement. » [Giuseppi Zupo et Vincenzo Marini, Operazione Moro (Milan, Franco Angeli, 1984), p. 280, cité par Willan, op. cit., p. 220.]
Moro fut si secoué par ces menaces, selon son assistant, qu'il tomba malade le jour suivant et coupa court à sa visite aux Etats-Unis, disant qu'il en avait fini avec la politique [Willan, op. cit., p. 220.]. Mais les pressions américaines se poursuivirent ; le sénateur Henry Jackson (district de Washington) lança un avertissement similaire deux ans plus tard dans une interview donnée en Italie [Ibid., p. 221.]. Peu avant son enlèvement, Moro écrivit un article qui répondait à ses détracteurs américains, mais décida de ne pas le publier [Ibid., l'article de Moro fut publié dans L'Unita (Rome), le 29 mai 1978, après sa mort.].
Durant ses 55 jours de captivité, Moro implora à maintes reprises ses pairs démocrates-chrétiens de céder au chantage, en acceptant l'échange de membres des Brigades rouges emprisonnés contre sa libération. Mais ils refusèrent, pour la plus grande joie des officiels de l'Alliance, qui voulaient que les Italiens jouent la carte de la fermeté. Dans une lettre retrouvée plus tard, Moro prédisait :
« Ma mort retombera comme une malédiction sur tous les démocrates-chrétiens, et ce sera le début d'un effondrement désastreux et irréversible de tout l'appareil du parti. » [Dario Fo et Franca Rame, « What Passion! What Generosity! What Corruption! », New York Times, 5 décembre 1993, p. A4.]
Pendant la captivité de Moro, la police prétendit de façon invraisemblable avoir interrogé des millions de gens et fouillé des milliers de résidences. Mais le premier juge à avoir enquêté sur cette affaire, Luciano Infelisi, dit qu'il n'avait aucun membre de la police à sa disposition. « J'ai mené cette enquête avec une seule dactylo, et pas même un téléphone dans mon bureau. » Il ajouta qu'il n'avait pas reçu d'information utile des services secrets durant cette période [Rapport de la commission Moro, 1983, pp. 68-69, cité par Willan, op. cit., p. 231]. D'autres magistrats instructeurs suggérèrent en 1985 que l'une des raisons de l'inaction était que tous les officiers les plus importants impliqués étaient membres de la P2 et agissaient donc sur l'ordre de Gelli et de la CIA [Chiodi, op. cit., p. 134. La profonde implication de la police dans le terrorisme devint particulièrement claire après un témoignage devant une commission d'enquête en 1983. Le colonel de l'armée Amos Spiazzi rappela qu'en 1970 il avait rencontré accidentellement deux officiers des carabiniers en train de préparer une bombe près de Bolzano, une ville du nord de l'Italie. Il les arrêta et avertit son poste. Cependant, alors qu'il les y conduisait, il fut intercepté par des membres de la police nationale et municipale, qui emmenèrent ses prisonniers. Il fut ensuite transféré à un poste éloigné. Scalia, op. cit., p. 12.].
Bien que le gouvernement ait finalement arrêté et condamné plusieurs membres des Brigades rouges, nombreux furent ceux dans la presse et au parlement qui continuèrent à se demander si le SID n'avait pas organisé l'enlèvement après avoir reçu des ordres venant d'encore plus haut. Les soupçons se tournèrent naturellement vers les Etats-Unis, et particulièrement Henry Kissinger, bien qu'il ait nié un quelconque rôle dans le crime. A travers Gladio et la Mafia, Washington disposait de l'appareil parfait pour accomplir une telle action sans laisser de traces.
Des versions antérieures du plan avaient mis les officiels américains dans tous leurs états. Quatre ans avant sa mort, au cours d'une visite aux Etats-Unis en tant que ministre des affaires étrangères, Moro eut droit à la lecture de la loi contre les attroupements séditieux, par le secrétaire d'Etat Henry Kissinger et plus tard par un officiel des services de renseignements anonyme. Témoignant au cours de l'enquête sur son assassinat, la veuve Moro résuma leurs paroles menaçantes : « Vous devez abandonner votre politique consistant à conduire toutes les forces politiques du pays à collaborer directement... ou vous le paierez chèrement. » [Giuseppi Zupo et Vincenzo Marini, Operazione Moro (Milan, Franco Angeli, 1984), p. 280, cité par Willan, op. cit., p. 220.]
Moro fut si secoué par ces menaces, selon son assistant, qu'il tomba malade le jour suivant et coupa court à sa visite aux Etats-Unis, disant qu'il en avait fini avec la politique [Willan, op. cit., p. 220.]. Mais les pressions américaines se poursuivirent ; le sénateur Henry Jackson (district de Washington) lança un avertissement similaire deux ans plus tard dans une interview donnée en Italie [Ibid., p. 221.]. Peu avant son enlèvement, Moro écrivit un article qui répondait à ses détracteurs américains, mais décida de ne pas le publier [Ibid., l'article de Moro fut publié dans L'Unita (Rome), le 29 mai 1978, après sa mort.].
Durant ses 55 jours de captivité, Moro implora à maintes reprises ses pairs démocrates-chrétiens de céder au chantage, en acceptant l'échange de membres des Brigades rouges emprisonnés contre sa libération. Mais ils refusèrent, pour la plus grande joie des officiels de l'Alliance, qui voulaient que les Italiens jouent la carte de la fermeté. Dans une lettre retrouvée plus tard, Moro prédisait :
« Ma mort retombera comme une malédiction sur tous les démocrates-chrétiens, et ce sera le début d'un effondrement désastreux et irréversible de tout l'appareil du parti. » [Dario Fo et Franca Rame, « What Passion! What Generosity! What Corruption! », New York Times, 5 décembre 1993, p. A4.]
Pendant la captivité de Moro, la police prétendit de façon invraisemblable avoir interrogé des millions de gens et fouillé des milliers de résidences. Mais le premier juge à avoir enquêté sur cette affaire, Luciano Infelisi, dit qu'il n'avait aucun membre de la police à sa disposition. « J'ai mené cette enquête avec une seule dactylo, et pas même un téléphone dans mon bureau. » Il ajouta qu'il n'avait pas reçu d'information utile des services secrets durant cette période [Rapport de la commission Moro, 1983, pp. 68-69, cité par Willan, op. cit., p. 231]. D'autres magistrats instructeurs suggérèrent en 1985 que l'une des raisons de l'inaction était que tous les officiers les plus importants impliqués étaient membres de la P2 et agissaient donc sur l'ordre de Gelli et de la CIA [Chiodi, op. cit., p. 134. La profonde implication de la police dans le terrorisme devint particulièrement claire après un témoignage devant une commission d'enquête en 1983. Le colonel de l'armée Amos Spiazzi rappela qu'en 1970 il avait rencontré accidentellement deux officiers des carabiniers en train de préparer une bombe près de Bolzano, une ville du nord de l'Italie. Il les arrêta et avertit son poste. Cependant, alors qu'il les y conduisait, il fut intercepté par des membres de la police nationale et municipale, qui emmenèrent ses prisonniers. Il fut ensuite transféré à un poste éloigné. Scalia, op. cit., p. 12.].
Bien que le gouvernement ait finalement arrêté et condamné plusieurs membres des Brigades rouges, nombreux furent ceux dans la presse et au parlement qui continuèrent à se demander si le SID n'avait pas organisé l'enlèvement après avoir reçu des ordres venant d'encore plus haut. Les soupçons se tournèrent naturellement vers les Etats-Unis, et particulièrement Henry Kissinger, bien qu'il ait nié un quelconque rôle dans le crime. A travers Gladio et la Mafia, Washington disposait de l'appareil parfait pour accomplir une telle action sans laisser de traces.
Bonsoir
RépondreSupprimerun documentaire de 2006 vient d'être diffusé ce soir sur LCP sur l'enlèvement et l'assassinat de Moro qui conclue sur une collusion entre gladio (sans jamais utiliser ce nom) et le kgb pour faire élimer moro par les BR ... pour ne pas remettre en cause le partage de yalta
je n'avais encore jamais entendu cette version et je ne sais pas trop quoi en penser
Ce qui me semble douteux dans le documentaire c'est que les personnes interrogées sont uniquement des politiques, anciens des services secrets et anciens BR ... aucune tentative de recherche du côté des services l'ex-yougoslavie, accusés a demis mots d'avoir apporté l'aide nécessaire à l'enlèvement, les armes ... les services italiens s'étant contentés de laisser faire.
chapulin colorado