vendredi 18 décembre 2009

1. Gladio: la guerre secrète des Etats-Unis pour subvertir la démocratie italienne (présentation)


L'enquête du journaliste Arthur Rowse, Gladio : la guerre secrète des Etats-Unis pour subvertir la démocratie italienne, publiée en 1994, a fait date. Il s'agissait de la première description détaillée de Gladio, le réseau italien des stay-behind, la structure clandestine de l'OTAN, dans une publication américaine. Cet article de fond n'a jamais été traduit en français. Il nous semblait intéressant de combler cette lacune. Le point de vue de Rowse est celui du progressisme libéral américain. S'il comprend que Gladio a finalement détruit les partis du centre au lieu de les renforcer et renforcé ceux de la gauche au lieu de les détruire, il sous-estime son succès plus profond. La stratégie de la tension a permis, à travers le spectacle du terrorisme manipulé, d'extrême gauche ou d'extrême droite, de mettre un coup d'arrêt au lent glissement de l'Italie vers une révolution sociale, portée par le courant de tous ceux qui échappaient et s'opposaient à l'encadrement bureaucratique, syndical et politique. Toutefois, Rowse, qui possède une bonne connaissance des dessous inavouables de la politique étrangère américaine, a mis en lumière la dimension internationale des années de plomb en Italie, aspect généralement négligé par la critique sociale la plus avancée. Et quand certains auteurs ont évoqué cette dimension, ils se sont parfois égarés sur la fausse piste d'une fantasmatique manipulation de la politique italienne par les services secrets de divers régimes staliniens. Dès 1980, Gianfranco Sanguinetti avait réfuté ce leurre :

« [Certains] penseurs salariés, de Scalfari à Bocca, raisonnent (...) frauduleusement lorsque, tout en admettant comme je l'ai démontré que la stratégie des B.R. vise entre autres à empêcher l'arrivée du P.C.I. au pouvoir, ils font résulter ceci non pas de l'aversion que ce parti suscite dans certains secteurs du capitalisme italien et des services secrets, mais de l'aversion des staliniens soviétiques pour leurs homologues italiens. Nos penseurs à la petite semaine concluent donc que Moro a été enlevé avec l'appui du KGB et des services secrets tchécoslovaques. Les capitalistes italiens, les militaires et les agents du SISDE, du SISMI, du CESIS, de la DIGOS et de l'UCIGOS [Sigles de quelques services secrets officiels d'Italie], ainsi que Carter, seraient heureux de voir le P.C.I. au gouvernement en Italie, mais cela n'est malheureusement pas possible parce que les Russes et le KGB ne le veulent pas : quelle déveine ! Si derrière l'affaire Moro il y a le KGB, qui est donc derrière les couillonnades de Bocca et Scalfari ? Est-il possible qu'ils se soient hissés à de tels sommets par leurs seules forces ?

Quoi qu'il en soit, cette curieuse et stupide théorie, que l'intempestif Pertini [septième président de la République italienne de 1978 à 1985] s'est hâté de faire sienne après coup, sert clairement à rassurer la mauvaise conscience de tous ceux qui veulent croire que cet Etat, puisqu'il est en guerre avec le terrorisme, ne peut le diriger » (Du Terrorisme et de l'Etat).

D'aucuns continuent à soutenir cette « curieuse et stupide théorie » (développée par exemple dans Brigades rouges : L'histoire secrète des BR racontée par leur fondateur, ouvrage apportant par ailleurs d'intéressantes informations). Rowse, au contraire, montre comment le terrorisme manipulé résulte de l'aversion de certains secteurs du capitalisme italien et des services secrets italiens et américains, et plus encore, comment les Etats-Unis et l'Italie ont agi de concert dès la fin de l'après-guerre, pour conjurer un péril rouge obsessionnel. De ce point de vue, les années de plomb sont l'aboutissement d'un long processus contre-insurrectionnel mis en oeuvre avec une constance machiavélique.

[Pour des facilités de lecture, nous diviserons cette enquête en quinze parties. Remerciements à NOT BORED! qui nous a transmis la version originale de l'article de Rowse complète de ses notes.]

2 commentaires:

  1. il y a pas mal d'infos ici: http://www.buergerwelle.de/pdf/secret_warfare_and_natos_stay_behind_armies.htm

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  2. excellente initiative ! merci.

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