OPERATION DEMAGNETIZE
Une fois les services secrets italiens sous leur contrôle, les Américains ont ensuite étendu leur champ d'action sous le nom de code d'opération Demagnetize et les ont reliés à un réseau de cadres déjà existant dans le nord de l'Italie. En 1951, les services secrets italiens acceptèrent en bonne et due forme de mettre en place une organisation clandestine au sein de l'armée pour se coordonner avec les cadres du nord. En 1952, le SIFAR reçut des ordres secrets de Washington pour conduire « une série d'opérations politiques, paramilitaires et psychologiques destinées à réduire le pouvoir du parti communiste italien, ses ressources matérielles, et son influence sur le gouvernement. Cet objectif prioritaire doit être atteint par tous les moyens. » [U.S. Joint Chiefs of Staff Memorandum, 14 mars 1952, cité par Willems, op. cit., p. 80, note 21.]
L'opération Demagnetize marqua le durcissement institutionnel de Gladio. Un historien du département d'Etat l'a décrite comme une « stratégie de stabilisation » [Voir James Edward Miller, The United States and Italy, 1940-1950 : The Politics and Diplomacy of Stabilization (University of North Carolina Press, Chapel Hill, 1986).] bien qu'on puisse la décrire plus exactement comme une stratégie de déstabilisation. Depuis le départ, cette offensive fut secrètement dirigée et financée par le gouvernement américain. En 1956, cet arrangement fut officialisé par un accord écrit, qui employait le nom « Gladio » pour la première fois. Selon des documents de 1956 rendus publics en Italie en 1990, Gladio était divisé en cellules indépendantes coordonnées entre elles d'un camp de la CIA en Sardaigne. Ces « forces spéciales » comprenaient 40 groupes principaux. 10 groupes spécialisés dans le sabotage, 18 (3x6) dans l'espionnage, la propagande, les tactiques d'évasion et de fuite et 12 dans les actions de guérilla. Une autre division conduisait l'entraînement des agents et commandos. Ces « forces spéciales » avaient accès à des caches d'armes, où se trouvaient des pistolets, des grenades, des explosifs sophistiqués, des poignards, des mortiers de 60 millimètres, des mitrailleuses de 57 millimètres et des armes de précision [Marco Scalia, « Operazione Gladio », Avvenimenti, 7 novembre 1990, p. 11.] .
En 1956, le général Giovanni De Lorenzo fut nommé à la tête du SIFAR sur la recommandation de l'ambassadeur des Etats-Unis Claire Boothe Luce, la femme farouchement anticommuniste de l'éditeur du magazine Time [Willems, op. cit., p. 82.]. Un acteur de premier plan était maintenant en place dans Gladio. En 1962, la CIA aida à placer De Lorenzo à la tête de la police nationale (les carabiniers), tandis qu'il conservait un contrôle effectif sur les services secrets.
Le général emmena avec lui 17 lieutenants pour éliminer les officiers insuffisamment engagés à droite. Ce fut la première étape vers une tentative de coup d'Etat d'extrême droite, avec l'attaché militaire américain Vernon Walters à sa tête. Cette même année, dans un mémorandum à De Lorenzo, Walters proposa différents types d'interventions destinées à provoquer une crise nationale, l'obstruction à une coalition de centre gauche, la fabrication de schismes entre les socialistes, et le financement des forces favorables au statu quo [Ibid., p. 84.].
Pendant ce temps, selon des dossiers de la CIA trouvés à Rome en 1984, le chef de l'antenne de la CIA William Harvey commença à recruter des « groupes d'action » à partir d'une liste de 2000 hommes « capables de lancer des bombes, de conduire des attaques, tout en accompagnant ces actions d'une indispensable propagande » [Roberto Faenza, Il Malaffare (Milan, Mondadori, 1978), p. 70, cité par Willems, op. cit., p. 85.]. Ces groupes eurent l'occasion de montrer leurs talents en 1963 dans le cadre d'une offensive antisyndicale. Des gladiateurs entraînés par les Américains, habillés en policiers et en civils, attaquèrent des ouvriers du bâtiment qui manifestaient pacifiquement à Rome, blessèrent 200 d'entre eux et dévastèrent une grande partie de la ville. Un ancien général des services secrets fit le lien avec Gladio dans un témoignage ultérieur [Scalia, op. cit., p. 11.].
Le lieutenant-colonel du SIFAR, Enzo Rocca, entraînait également, pour le coup d'Etat en préparation, une milice civile composée d'ex-soldats, de parachutistes et de membres de l'organisation militaire du « Prince Noir », Junio Valerio Borghese, la Decima MAS (dixième escadron de torpilleurs) [M. Sassano, SID e Partito Americano (Venise et Padoue, Marsilio, 1975), p.. 75-76 ; cité par Willems, op. cit., p. 85.]. Le président Antonio Segni connaissait, semble-t-il, ce plan, qui devait se conclure par l'assassinat du premier ministre Aldo Moro, se retrouvant dans le collimateur parce qu'il n'avait pas été assez dur avec les communistes [Stuart Christie, Stefano Delle Chiaie : Portrait of a « Black » Terrorist (London, Refract Publishers, 1984), p. 24)].
La prise de pouvoir planifiée de longue date, connue plus tard sous le nom de Plan Solo, échoua en mars 1964, les principaux carabiniers impliqués restant dans leurs quartiers. Comme l'enquête qui s'ensuivit en venait à interroger Rocca sur la tentative de coup d'Etat, il se suicida, paraît-il, peut-être pour respecter le serment de silence fait à Gladio. Après que des officiels eurent établi que des secrets d'Etat étaient en cause, trois enquêtes s'enlisèrent et ne parvinrent pas à désigner les complices du coupable [Willems, op. cit., p. 85.].
L'opération Demagnetize marqua le durcissement institutionnel de Gladio. Un historien du département d'Etat l'a décrite comme une « stratégie de stabilisation » [Voir James Edward Miller, The United States and Italy, 1940-1950 : The Politics and Diplomacy of Stabilization (University of North Carolina Press, Chapel Hill, 1986).] bien qu'on puisse la décrire plus exactement comme une stratégie de déstabilisation. Depuis le départ, cette offensive fut secrètement dirigée et financée par le gouvernement américain. En 1956, cet arrangement fut officialisé par un accord écrit, qui employait le nom « Gladio » pour la première fois. Selon des documents de 1956 rendus publics en Italie en 1990, Gladio était divisé en cellules indépendantes coordonnées entre elles d'un camp de la CIA en Sardaigne. Ces « forces spéciales » comprenaient 40 groupes principaux. 10 groupes spécialisés dans le sabotage, 18 (3x6) dans l'espionnage, la propagande, les tactiques d'évasion et de fuite et 12 dans les actions de guérilla. Une autre division conduisait l'entraînement des agents et commandos. Ces « forces spéciales » avaient accès à des caches d'armes, où se trouvaient des pistolets, des grenades, des explosifs sophistiqués, des poignards, des mortiers de 60 millimètres, des mitrailleuses de 57 millimètres et des armes de précision [Marco Scalia, « Operazione Gladio », Avvenimenti, 7 novembre 1990, p. 11.] .
En 1956, le général Giovanni De Lorenzo fut nommé à la tête du SIFAR sur la recommandation de l'ambassadeur des Etats-Unis Claire Boothe Luce, la femme farouchement anticommuniste de l'éditeur du magazine Time [Willems, op. cit., p. 82.]. Un acteur de premier plan était maintenant en place dans Gladio. En 1962, la CIA aida à placer De Lorenzo à la tête de la police nationale (les carabiniers), tandis qu'il conservait un contrôle effectif sur les services secrets.
Le général emmena avec lui 17 lieutenants pour éliminer les officiers insuffisamment engagés à droite. Ce fut la première étape vers une tentative de coup d'Etat d'extrême droite, avec l'attaché militaire américain Vernon Walters à sa tête. Cette même année, dans un mémorandum à De Lorenzo, Walters proposa différents types d'interventions destinées à provoquer une crise nationale, l'obstruction à une coalition de centre gauche, la fabrication de schismes entre les socialistes, et le financement des forces favorables au statu quo [Ibid., p. 84.].
Pendant ce temps, selon des dossiers de la CIA trouvés à Rome en 1984, le chef de l'antenne de la CIA William Harvey commença à recruter des « groupes d'action » à partir d'une liste de 2000 hommes « capables de lancer des bombes, de conduire des attaques, tout en accompagnant ces actions d'une indispensable propagande » [Roberto Faenza, Il Malaffare (Milan, Mondadori, 1978), p. 70, cité par Willems, op. cit., p. 85.]. Ces groupes eurent l'occasion de montrer leurs talents en 1963 dans le cadre d'une offensive antisyndicale. Des gladiateurs entraînés par les Américains, habillés en policiers et en civils, attaquèrent des ouvriers du bâtiment qui manifestaient pacifiquement à Rome, blessèrent 200 d'entre eux et dévastèrent une grande partie de la ville. Un ancien général des services secrets fit le lien avec Gladio dans un témoignage ultérieur [Scalia, op. cit., p. 11.].
Le lieutenant-colonel du SIFAR, Enzo Rocca, entraînait également, pour le coup d'Etat en préparation, une milice civile composée d'ex-soldats, de parachutistes et de membres de l'organisation militaire du « Prince Noir », Junio Valerio Borghese, la Decima MAS (dixième escadron de torpilleurs) [M. Sassano, SID e Partito Americano (Venise et Padoue, Marsilio, 1975), p.. 75-76 ; cité par Willems, op. cit., p. 85.]. Le président Antonio Segni connaissait, semble-t-il, ce plan, qui devait se conclure par l'assassinat du premier ministre Aldo Moro, se retrouvant dans le collimateur parce qu'il n'avait pas été assez dur avec les communistes [Stuart Christie, Stefano Delle Chiaie : Portrait of a « Black » Terrorist (London, Refract Publishers, 1984), p. 24)].
La prise de pouvoir planifiée de longue date, connue plus tard sous le nom de Plan Solo, échoua en mars 1964, les principaux carabiniers impliqués restant dans leurs quartiers. Comme l'enquête qui s'ensuivit en venait à interroger Rocca sur la tentative de coup d'Etat, il se suicida, paraît-il, peut-être pour respecter le serment de silence fait à Gladio. Après que des officiels eurent établi que des secrets d'Etat étaient en cause, trois enquêtes s'enlisèrent et ne parvinrent pas à désigner les complices du coupable [Willems, op. cit., p. 85.].
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