lundi 16 novembre 2009

3. Antonino Arconte, agent G71




Qui fit parvenir à l’agent G71, quelque jours avant l’enlèvement d’Aldo Moro, le pli destiné aux services secrets israéliens qui demandait de l’aide pour sauver l’homme d’Etat démocrate chrétien ?



Antonino Arconte, nom de code G.71 155 M, faisait partie d’une structure militaire secrète : « La Gladio delle centurie ». Gladio fut institué dans les années 50. Son but était de neutraliser une éventuelle offensive communiste en cas de guerre civile.
Le communiqué numéro 3 de l’enlèvement Moro affirme : « L’interrogatoire se poursuit avec la collaboration complète du prisonnier. Les réponses qu’il fournit éclairent toujours plus les lignes contre-révolutionnaires que les centrales impérialistes sont en train de mettre en place ».
« Le grand secret » autour duquel tournaient les interrogatoires de Moro par les BR était justement centré sur Gladio. L’agent G71 raconte à Stefano Vaccara, journaliste à America Oggi, sa mission au Moyen-Orient :

« Je partis du port de la Spezia le 6 mars 1978, à bord du navire marchand Jumbo Emme. Sur le papier, la mission était simple : je devais recevoir, d’un de nos hommes à Beyrouth, des passeports que j’aurais dû livrer ensuite à Alexandrie en Egypte. Puis je devais aider certaines personnes à fuir le Liban, aux prises avec la guerre, en les cachant à bord du navire. Mais il y avait un niveau plus délicat, plus secret au cœur de cette mission. Je devais faire remettre un pli à un de nos hommes à Beyrouth. Dans cette enveloppe, il y avait l’ordre de contacter les terroristes islamistes pour ouvrir un canal de communication avec les BR, avec pour objectif la facilitation de la libération de Moro ».

Jusqu’ici rien d’étrange. Il est courant de demander de l’aide à d’autres agences de renseignement et le Mossad était peut être la plus puissante d'entre elles.
Le pli qui contenait l’ordre d’ouvrir un canal pour la libération de Moro a été authentifié par le notaire Pietro Ingozzi d’Oristano et signé par le capitaine de vaisseau de la 10° division « stay behind ». Le document est daté du 2 mars 1978 et fut livré à Beyrouth le 13 mars de la même année. Moro sera enlevé le 16 mars, deux semaines après la date d’émission et 18 jours avant l’ordre de mission qui parvint à Arconte le 26 février 1978.
G71 devait livrer le document à Beyrouth à l’agent G-219. Il s’agit vraisemblablement du Colonel Ferraro. Il s’est suicidé dans des circonstances douteuses en 1995. Il dépendait du chef de région G-219 Stefano Giovannone, nommé par Moro lui-même dans une de ces lettres comme trait d’union avec les mouvements de libération du Moyen-Orient, afin que ceux-ci interviennent auprès des BR pour favoriser sa libération.
Une étude scientifique effectuée sur le document a confirmé que le papier, les encres et les caractères d’imprimerie étaient ceux utilisés normalement par le ministère de la défense, Marine Militaire, Bureau X, dans les années 70. En clair, l’échantillon est compatible avec l’époque.
Il est utile de rappeler qu’il y a 5 ans, lorsque le document fut rendu public, le parlement posa des questions, par le biais de Giulio Andreotti qui demanda expressément au gouvernement Berlusconi de faire la lumière sur cette affaire, car si le document se révélait être un faux, il aurait fallu poursuivre celui qui le divulguait. Chose qui n’arriva jamais.
Arconte dit : « J’ai pris la décision de parler, de raconter qui je suis vraiment et ce que j’ai fait pour mon pays et pour la démocratie, parce que je me sens en danger. Beaucoup trop d’entre nous sont morts. Certains en mission, d’autres au cours d’étranges accidents, jusqu’à ceux qui ont été suicidés. La vérité est qu’ils veulent nous faire disparaître du paysage, ils veulent anéantir notre histoire et faire en sorte qu’on ne se souvienne pas de nous ».
Arconte explique sur le site www.shar-net.com qu’il est à la recherche d’une production européenne pour financer un film tiré du livre La dernière mission.
Parmi les toiles qu’il a peint, une huile sur toile m’a particulièrement frappé sur le site www.geocities.com/Pentagon/4031. J’ai demandé à Arconte le titre de l’œuvre. Voici sa réponse :
« Simplement “SIGNE”. Il exprime l’amertume de celui qui est dans l’obligation de se découvrir, abandonner l’anonymat pour défendre sa vie, son honneur et sa famille ».
Les services secrets savaient par anticipation que Moro serait enlevé par les Brigades Rouges. Peut être que sa mort et celle de ses cinq hommes d’escorte auraient pu être évitées.


Traduction de l'italien par Guillaume Origoni, revue et corrigée par nos soins.

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