samedi 19 décembre 2009

14. Gladio : la guerre secrète des Etats-Unis pour subvertir la démocratie italienne (le bilan de Gladio)


LE BILAN DE GLADIO


Cependant, au début des années 1980, il y avait suffisamment d'empreintes digitales de la CIA dans les dossiers judiciaires pour provoquer un puissant sentiment anti-américain. C'est ainsi qu'en 1981 les bureaux de trois firmes américaines à Rome furent les cibles d'attentats à la bombe et qu'en 1982 les Brigades rouges enlevèrent James L. Dozier, un général américain attaché à l'OTAN, le désignant comme « un homme de main yankee » [Département d'Etat américain, 28 janvier 1982.]. Il fut libéré cinq semaines plus tard par des commandos de la police, avec l'aide, semble-t-il, de relations mafieuses de la CIA [« Fat Man, Tailor, Soldier, Spy », Time, 28 février 1983, pp.32-33.]. Pourtant, le préjudice causé à l'image des Etats-Unis par ces révélations aura été remarquablement limité au regard de ce qu'ils firent subir à la société et au gouvernement italiens pendant cinquante ans au nom de l'anticommunisme.
L'ultime prédiction de Moro se vérifia. Au lieu de renforcer les partis du centre, Gladio, avec le concours des affaires de corruption, les détruisit. Au lieu de détruire la gauche, les révélations de Gladio les aidèrent à prendre le contrôle de villes majeures tout en conservant le tiers des sièges au parlement. Au début des années 1980, les Brigades rouges furent anéanties, mais les principaux instigateurs du terrorisme d'extrême droite - la Mafia et les néofascistes - restèrent actifs [Y compris, en l'occurrence, l'attentat à la bombe dans un train, à la sortie de Bologne dans le même tunnel que dix ans auparavant, tuant 15 personnes et en blessant 267, ainsi que les attentats à la bombe de 1993 contre des symboles culturels à Rome et à Florence, attentats qui causèrent la mort de 11 personnes et firent 98 blessés de plus.].
Le bilan en conduisit certains à mettre en question les fondements tout entiers de l'engagement américain en Italie, notamment en ce qui concernait la « menace communiste ». Selon Phillip Willan, qui a écrit le livre majeur sur le terrorisme italien : « Les Etats-Unis ont constamment refusé d'admettre l'adhésion croissante et sans réserve du parti communiste italien aux principes de la démocratie occidentale, et celui-ci comme alternative valable aux partis généralement corrompus et incompétents qui avaient gouverné l'Italie depuis la guerre. S'ils l'avaient fait, une bonne partie des carnages résultant de la stratégie de la tension aurait pu être évitée. » [Willan, op. cit., p. 28.]
 Willan en vient à se demander « si les représentants des services secrets américains et italiens n'avaient pas délibérément exagéré la menace communiste pour accroître leur pouvoir et se donner une plus grande liberté de manoeuvre. » [Ibid., p. 353.]

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