dimanche 22 novembre 2009

8. Le faux communiqué et le lac de la Duchessa




Qui a chargé Toni Chicchiarelli, de la bande de la Magliana, du faux communiqué n° 7 qui a annoncé la mort d'Aldo Moro ? Quel était le message qu'il voulait adresser ?

Le 18 avril, un appel au Messagero annonce l'arrivée d'un message des BR. C'est une photocopie d'un communiqué numéro 7 qui annonce l'exécution de Moro, dont le corps se trouverait dans le lac de la Duchessa.
Le message se présente tout de suite avec des caractéristiques complètement différentes des précédents : il est très bref, ironique et comporte plusieurs fautes d'orthographe. On n'y trouve pas l'inévitable slogan de conclusion, l'en-tête « Brigades Rouges » est manuscrit. Néanmoins, le rapport des experts garantit l'authenticité du communiqué.
Voici le texte intégral du faux communiqué n° 7 :

Aujourd'hui 18 avril 1978 s'achève l'époque « dictatoriale » de la DC [Démocratie chrétienne] dont la logique de l'injustice a, pendant trente bonnes années, malheureusement dominé. Simultanément, nous annonçons l'exécution réussie du président de la DC, Aldo Moro, par « suicide ». Nous consentons à la récupération de la dépouille, en indiquant le lieu exact où elle se trouve. Le corps d'Aldo Moro est immergé dans la vase (c'est pourquoi il se disait embourbé) du fond du lac de la Duchessa, à 1800 m. près de la localité de Cartore (RI), zone limitrophe entre les Abruzzes et le Latium.
C'est seulement le début d'une longue série de « suicides » : le « suicide » ne doit pas être seulement un « privilège » du groupe Baader Meinhof.
Commencez à trembler pour vos méfaits divers, Cossiga [ministre de l'intérieur au moment de l'enlèvement et du meurtre d'Aldo Moro], Andreotti [président du Conseil des ministres], Taviani [membre de la Démocratie chrétienne] et vous tous qui soutenez le régime.
P. S. Nous rappelons aux Sossi [procureur enlevé par les Brigades Rouges à Gênes en 1974], Barbaro [président du tribunal jugeant les chefs historiques des BR en 1977], Corsi, etc. qu'ils sont toujours en liberté « surveillée ».
18/4/1978 Pour le communisme, les Brigades Rouges.

Le 24 mars 1984, Toni Chicchiarelli et d'autres éléments de la bande de la Magliana ont volé la Brink's Securmark, banque dont Michele Sindona était le sociétaire. Certains ont émis l'hypothèse que le butin du vol, 35 milliards, constituait la récompense pour le faux communiqué du lac de la Duchessa.
Chichiarelli est tué le 26 septembre 1986. Lors de la perquisition de son appartement qui a suivi, la police a trouvé un film du vol de la Brinks, des indices sur l'assassinat de Mino Pecorelli et du matériel provenant des BR.
On a récemment attribué à Steve Pieczenik, à l'époque chef du bureau de gestion du terrorisme international au département d'Etat américain et homme de confiance de Kissinger, un rôle clé dans la création du faux communiqué. A la suite de l'enlèvement de Moro, Cossiga a créé un comité d'experts pour faire face aux situations d'urgence. Pieczenik a été invité à se joindre à d'autres hommes comme le criminologue Francesco Ferratini, membre de la P2.
Dans le livre d'Emmanuel Amara, Nous avons tué Aldo Moro (Cooper 2008) [Edition française chez Patrick Robin, 2006], Pieczenik dit :

« J'ai lu les nombreuses lettres de Moro et les communiqués des terroristes. J'ai vu que Moro était inquiet et qu'il était en train de faire des révélations qui auraient pu nuire à l'OTAN. J'ai décidé alors que la Raison d'Etat l'emporterait au détriment de sa vie. J'ai réalisé que j'avais besoin de changer les cartes en jeu et de tendre un piège aux BR. J'ai fait semblant de négocier.
Nous avons décidé, en accord avec Cossiga, qu'il était temps de mettre en pratique une opération psychologique et nous avons fait paraître le faux communiqué de la mort d'Aldo Moro, avec la possibilité que son corps soit découvert dans le lac de la Duchessa.
Jamais les termes “raison d'Etat” n'ont eu plus de sens que pendant l'enlèvement de Moro en Italie. Aucun homme n'est indispensable à la survie de l'Etat. C'est moi qui ai décidé que le prix à payer était la vie de Moro. »

Traduit de l'italien par Jules Bonnot de la Bande.

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