Pour que « l’extravagante récupération étatique » de l’héritage de Guy Debord ait vraiment quelque chose de shakespearien, il n’y a pas manqué le personnage du bouffon : Philippe Sollers. Le Tapie des Lettres françaises, convive du dîner, a tenu un petit discours où il a confié magnanime : « J’avais une grande admiration pour Debord, même s’il m’a critiqué. » Sollers, d’ordinaire si prompt à organiser sa propre réclame, a, pour une fois, fait montre d’une discrétion excessive sur son propre compte. Afin de rendre la honte plus honteuse en la livrant à la publicité, rappelons ce que recouvre l’euphémisme « il m’a critiqué ». Dans “Cette mauvaise réputation...”, Guy Debord avait prononcé un jugement laconique mais sans appel sur le futur lauréat du premier prix de la BNF : « ce n’est qu’insignifiant, puisque signé Philippe Sollers. » La publication posthume de la Correspondance de Guy Debord (présentée par Alice Debord) abonde en jugements cruellement concrets sur Sollers. Nous en livrons ici un florilège instructif :
« Moi non plus, je n’aime pas Sollers, sans le connaître, heureusement. » (Lettre à René Basse, 31 octobre 1989)
« Merci de me signaler les sottises de Sollers. Et la tâche est lourde ! » (Lettre à Daniel Valance, 19 décembre 1989)
« Ce pauvre bouffon de Sollers » (lettre à Jean-Jacques Pauvert, 14 novembre 1991)
« Je n’avais même rien répondu, évidemment, aux avances de ces burlesques Mauriès, Sollers, etc. » (ibid.)
A propos de Gallimard : « Vous pourriez conclure en lui disant que j’ai été choqué d’apprendre qu’un éditeur pouvait être “si bête et malheureux” qu’il se laisse conter que je pouvais avoir fréquenté un Sollers (et pourquoi pas Mao, Castro, Gorbatchev ?) » (ibid.)
« Pendant qu’Alice tape cette lettre, j’entends un banal débat de France-Culture, avec Sollers et d’autres du même genre. On y déplorait que les grandes valeurs de l’écriture soient tous des morts : une longue liste le prouve en effet. Quelqu’un riposte savamment : “Debord” ; Sollers dit “Debord” ; un troisième le dit aussi. (…) je vous avoue que je trouve quelque chose d’un peu fatigant à être devenu si vite un classique… » (ibid.)
« Sollers ne peut faire le moindre doute pour personne, et pour moi, moins, soyez-en sûre, que personne. Il paraît clair, en lisant sa risible Fête à Venise, qu’il veut y insinuer qu’il a participé jadis à la Conférence de Venise ; qu’il a figuré de sa personne au nombre des mythiques “situs clandestins”. Et en plus j’ai su, par Jean-Jacques, que l’animal avait prétendu, auprès d’Antoine Gallimard, qu’il me connaissait personnellement. Il vient de redoubler de cynique audace en me livrant un stock de lauriers dans L’Humanité.
Chaque fois qu’il plaît à un agent du spectacle – ou bien qu’il reçoit l’ordre – de parler élogieusement de moi, il y a quelques malveillants robots qui vont en conclure qu’il faut donc qu’il y ait quelques connivences entre ce noble critique et moi ; tant l’époque a rendu les gens stupides, et les manipulations faciles : et c’est même dans ce seul but qu’un Sollers s’y emploie. (…) même si j’étais un artiste, il est sûr que je ne considérerais pas Sollers comme un autre artiste, qui serait, par exemple, trop mondain.
(…) Il n’est plus possible de considérer Sollers, comme, disons Cocteau. Le problème n’est pas qu’il a encore de moindres talents que Cocteau, car c’est dans un monde tellement dégradé que Cocteau même passerait à bon droit pour un très profond talent. Ce qui compte, c’est ce que Sollers fait un autre métier. On le comparerait avec plus de pertinence à Bernard Tapie. Il serait fort injuste de reprocher à Tapie d’être un homme riche, et aussi injuste de lui reprocher de ne pas être un homme riche : c’est un escroc dont les affaires sont de la cavalerie médiatique, comme l’essentiel de celles de son temps (…) Je crains que vous n’ayez peiné Jean-Jacques en vous alarmant à ce point de sa phrase sur Sollers. A mon avis, Sollers étant si universellement connu pour ce qu’il est, la cinglante ironie de la phrase ne fera pas de doute. » (Lettre à Annie Le Brun, 5 décembre 1992).
« Sollers laisse dire partout, et même sans rectifier quand il est présent, qu’il est mon éditeur ! (…) Je suppose que vous avez vu le dernier bulletin avec de nouvelles imprudences [de la part de Philippe Sollers qui se servait (dans le bulletin Gallimard de janvier 1993) de citations extraites des Commentaires sur la société du spectacle, à propos du “secret”, pour annoncer la sortie de son livre Le Secret]. » (Lettre à Jean-Jacques Pauvert, 8 février 1993).
« Merci également pour l’envoi du plus récent excès de Sollers dans le Bulletin, que j’avais déjà vu. Tout cela ne va certainement pas rester impuni. » (Lettre à Michel Bounan, 1er mars 1993).
A propos des charmes de Venise : « On vous en montrera de peu connus, si seulement vous promettez de n’en rien dire à Sollers ; qui ne saura pas plus les trouver que le reste des beautés du temps. » (Lettre à Jean-Jacques Pauvert, 30 mars 1993).
« De Sollers, je dis seulement que je ne souhaite plus en parler davantage, et que toutes ces fâcheuses tentatives de mélange n’auront même pas été utiles pour lui, comme il avait semblé le supputer. » (Lettre à Jean-Jacques Pauvert, 27 mai 1993).
« Merci de me signaler les sottises de Sollers. Et la tâche est lourde ! » (Lettre à Daniel Valance, 19 décembre 1989)
« Ce pauvre bouffon de Sollers » (lettre à Jean-Jacques Pauvert, 14 novembre 1991)
« Je n’avais même rien répondu, évidemment, aux avances de ces burlesques Mauriès, Sollers, etc. » (ibid.)
A propos de Gallimard : « Vous pourriez conclure en lui disant que j’ai été choqué d’apprendre qu’un éditeur pouvait être “si bête et malheureux” qu’il se laisse conter que je pouvais avoir fréquenté un Sollers (et pourquoi pas Mao, Castro, Gorbatchev ?) » (ibid.)
« Pendant qu’Alice tape cette lettre, j’entends un banal débat de France-Culture, avec Sollers et d’autres du même genre. On y déplorait que les grandes valeurs de l’écriture soient tous des morts : une longue liste le prouve en effet. Quelqu’un riposte savamment : “Debord” ; Sollers dit “Debord” ; un troisième le dit aussi. (…) je vous avoue que je trouve quelque chose d’un peu fatigant à être devenu si vite un classique… » (ibid.)
« Sollers ne peut faire le moindre doute pour personne, et pour moi, moins, soyez-en sûre, que personne. Il paraît clair, en lisant sa risible Fête à Venise, qu’il veut y insinuer qu’il a participé jadis à la Conférence de Venise ; qu’il a figuré de sa personne au nombre des mythiques “situs clandestins”. Et en plus j’ai su, par Jean-Jacques, que l’animal avait prétendu, auprès d’Antoine Gallimard, qu’il me connaissait personnellement. Il vient de redoubler de cynique audace en me livrant un stock de lauriers dans L’Humanité.
Chaque fois qu’il plaît à un agent du spectacle – ou bien qu’il reçoit l’ordre – de parler élogieusement de moi, il y a quelques malveillants robots qui vont en conclure qu’il faut donc qu’il y ait quelques connivences entre ce noble critique et moi ; tant l’époque a rendu les gens stupides, et les manipulations faciles : et c’est même dans ce seul but qu’un Sollers s’y emploie. (…) même si j’étais un artiste, il est sûr que je ne considérerais pas Sollers comme un autre artiste, qui serait, par exemple, trop mondain.
(…) Il n’est plus possible de considérer Sollers, comme, disons Cocteau. Le problème n’est pas qu’il a encore de moindres talents que Cocteau, car c’est dans un monde tellement dégradé que Cocteau même passerait à bon droit pour un très profond talent. Ce qui compte, c’est ce que Sollers fait un autre métier. On le comparerait avec plus de pertinence à Bernard Tapie. Il serait fort injuste de reprocher à Tapie d’être un homme riche, et aussi injuste de lui reprocher de ne pas être un homme riche : c’est un escroc dont les affaires sont de la cavalerie médiatique, comme l’essentiel de celles de son temps (…) Je crains que vous n’ayez peiné Jean-Jacques en vous alarmant à ce point de sa phrase sur Sollers. A mon avis, Sollers étant si universellement connu pour ce qu’il est, la cinglante ironie de la phrase ne fera pas de doute. » (Lettre à Annie Le Brun, 5 décembre 1992).
« Sollers laisse dire partout, et même sans rectifier quand il est présent, qu’il est mon éditeur ! (…) Je suppose que vous avez vu le dernier bulletin avec de nouvelles imprudences [de la part de Philippe Sollers qui se servait (dans le bulletin Gallimard de janvier 1993) de citations extraites des Commentaires sur la société du spectacle, à propos du “secret”, pour annoncer la sortie de son livre Le Secret]. » (Lettre à Jean-Jacques Pauvert, 8 février 1993).
« Merci également pour l’envoi du plus récent excès de Sollers dans le Bulletin, que j’avais déjà vu. Tout cela ne va certainement pas rester impuni. » (Lettre à Michel Bounan, 1er mars 1993).
A propos des charmes de Venise : « On vous en montrera de peu connus, si seulement vous promettez de n’en rien dire à Sollers ; qui ne saura pas plus les trouver que le reste des beautés du temps. » (Lettre à Jean-Jacques Pauvert, 30 mars 1993).
« De Sollers, je dis seulement que je ne souhaite plus en parler davantage, et que toutes ces fâcheuses tentatives de mélange n’auront même pas été utiles pour lui, comme il avait semblé le supputer. » (Lettre à Jean-Jacques Pauvert, 27 mai 1993).
Pas mal cette mise au point...
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