(Nota bene. Ordures et décombres déballés par différentes sources autorisées depuis l’exposition Guy Debord à la BnF. Mise à jour au gré des arrivages.)
La bêtise
De
1958 à 1969 parut le bulletin central édité par l’Internationale situationniste
dont Guy Debord fut le mentor. Si les numéros de cette revue sont dans la
lignée de Planète de Pauwels dont l’I.S. titra à son sujet « Si vous
lisez Planète à haute voix vous
sentirez mauvais de la bouche », ils diffèrent par un contenu libre et
ouvert à toutes les situations.
Précurseur
de la presse en ligne, le préambule ne laisse aucun doute sur les intentions
des journalistes situationnistes « Tous les textes publiés dans
l’internationale situationniste peuvent être librement reproduits, traduits ou
adaptés même sans indication d’origine ».
Mais
réduire Debord au chahut des mots serait passé [sic] à côté d’une pensée
critique qui posa avec lucidité les bases critiques du rôle de la Presse et des
médias dans notre société du temps libre (…). Un temps libre qui devrait nous
inciter à lire plus de journaux, mais qui pourtant nous emprisonne dans la
soudaineté de l’image.
Igor Deperraz, Nouvel Observateur, le courrier des lecteurs (25-3-13).
L’exposition
« Guy Debord. Un art de la guerre » propose aux visiteurs de (re)découvrir,
au travers de centaines de photos, manuscrits, tracts, revues, l’œuvre
magistrale et fondamentale du chantre de la contestation et chancre de la
consommation. À la fois poète, artiste, cinéaste, essayiste, directeur de revue
et marxiste, Guy Debord a voulu utiliser le papier, la pellicule, le pavé comme
des armes pour mitrailler la société du spectacle, ses charniers maquillées [sic],
ses consommateurs aliénés, ses citoyens qui, remplis de pain s’endorment devant
les jeux télé.
Honoriner. Planète Campus (10-4-13).
À
la BNF François-Mitterrand débute aujourd’hui une exposition des archives de l’écrivain
gourou.
Frédérique Roussel, Libération (27-3-13).
L’époque
était aux gourous : Sartre, Barthes, Lacan, Debord… C’était un temps où
les écrivains ne fondaient pas une œuvre, mais une secte… Ainsi Guy Debord
fonda-t-il coup sur coup l’Internationale lettriste (1952-57) et
l’Internationale situationniste (1957-1972).
JA, La Liberté
(13-4-13).
Mais
l’Internationale Situationniste s’est dissoute en 1972 et ce n’est pas cette
exposition qui la réveillera, s’il faut la réveiller : mouvement
groupusculaire, bien installé dans son époque (toute organisation reposant sur
le principe des exclusions successives), prétendument découvreur de techniques
cinématographiques (Godard n’avait-il pas déjà utilisé ces techniques ? Et
avant eux les Lettristes)…
main tenant, (21-4-13).
Plus qu’aux déterminismes familiaux, plus
qu’à sa croisade contre un « milieu asservi aux contraintes sociales de
représentation », Debord nous semble surtout obéir au climat effervescent
de l’après-guerre, qui fait le lit d’un renouveau dadaïste et de l’abstraction
lyrique dans les arts plastiques. Or, comme y insistent l’exposition de la BNF
et son catalogue, l’auteur de La Société
du spectacle était lié au monde des galeries, d’une rive l’autre, par
inclination et alliance.
Stéphane Guégan, Moderne (29-4-13).
Guy
Debord (1931-1994) n’aurait jamais travaillé. Seulement marché, bu (beaucoup)
et lu. Mais écrire de la poésie, tourner des films, diriger une revue, etc.
c’est tout de même du travail. [...] On verra donc qu’il y a grand écart entre les
aspirations d’un jeune étudiant sous le soleil méditerranéen et la pratique au
cœur du système.
Annabelle Hautecontre, Salon
littéraire (5-5-13).
Écrivain,
sociologue, cinéaste, chef de bande, stratège, imposteur, parasite ou
visionnaire, Guy Debord fascine et exaspère.
Ville
de Paris (7-5-13).
Le soulagement
prématuré
Pour
moi, avec Guy Debord, il y a trois niveaux de lecture. Premièrement, une
lecture émancipatrice (…) Deuxièmement, la conscientisation (…) Troisièmement, la
recherche d’une stratégie de rupture avec la société du spectacle (et là, sur
ce plan, évidemment, Guy Debord est beaucoup moins efficace, même si beaucoup
de mouvements politiques continuent de s’y référer ; car le situationnisme n’a
pas attaqué vraiment les structures de la finance ou de l’industrie du
divertissement par exemple).
Marin de Viry, France Culture
(22.-3-13).
Et
si tout cela n'avait été qu'un gigantesque canular ? Et si le
situationnisme n'était qu'une plaisanterie de haut vol, un surréalisme sans
poésie, un cinéma sans spectateurs, un marxisme cantonné à la cour de la
Sorbonne ? Et si, enfin et surtout, toute cette aventure collective
n'avait été que le masque d'un seul homme, Guy Debord (1931-1994), « le
plus fameux des hommes obscurs », comme il se dépeint lui-même dans cette
belle langue héritée du cardinal de Retz ?
Paradoxalement,
c'est au moment où l'auteur de La Société
du spectacle est sacré par une exposition à la Bibliothèque nationale de
France que le soupçon gagne. Ses manuscrits sont là (magnifiques murs composés
de ses fiches de lecture), les tracts et slogans de l'Internationale
situationniste claquent, le prototype en métal du Jeu de la guerre, cet échiquier
pour stratèges en chambre inventé par le Maître, trône superbement dans
l'obscurité, les cahiers Gibert, dans lesquels il a écrit son « best-seller »,
dévoilent sa petite écriture, oui, toutes ces archives achetées voilà deux ans
2,7 millions d'euros par la BNF sont là, devant nous, et pourtant, le doute
persiste. Que reste-t-il de cette avant-garde qui sut si bien se mettre en
scène, jusqu'en sa postérité, comme en témoigne le beau catalogue de
l'exposition ? Quelques libelles nerveux annonciateurs de Mai 68, de
cinglants slogans sur les murs du Quartier latin (« Ne travaillez
jamais ! »), le style superbement oraculaire des ouvrages de Guy
Debord, une théorie un peu vaine du « spectaculaire intégré » et un
réservoir de rêves pour adolescents en mal de dérives urbaines et de
révolution. Un mélange de stratégie et de jeu. Clausewitz rue Gay-Lussac.
Jérôme Dupuis. L’Express
(5-4-13).
Le confusionnisme
spontané
Frédéric
Olivennes, directeur de la communication et du marketing images de France
Télévisions, né en 1967, raconte que la lecture de Debord lui a fait comprendre
qu'il était « un enfant de la société du spectacle ». Et comment ne
pas être « dupe » des pièges de ce système. L'écrivaine et critique
Cécile Guilbert, née en 1963, a de son côté publié un bel essai intitulé Pour Guy Debord (Gallimard, 1996), dans
lequel elle met en lumière la vitalité du discours de Debord, styliste
remarquable. Une force et une puissance de subversion auxquelles un écrivain
comme Philippe Sollers, qui a souvent écrit sur Debord, notamment dans Le Monde, est lui aussi très sensible.
Raphaëlle Rérolle, Le Monde (21-3-13).
En
1993, Michel Hazanavicius réalise Le
grand détournement : on comprend pourquoi il l'a dédié à Guy Debord.
Jennifer Lesieur. Métro (27-3-13).
C’est
un écrivain, philosophe, cinéaste, artiste et performeur (comme on dirait
aujourd’hui), avec comme seule unité : un regard hyper-critique sur les
structures de notre société marchande et le goût pour les manifestes et les
déclarations. (…) Le situationnisme c’est donc tout simplement le souci de
créer des situations dans lesquelles l’art peut se réaliser concrètement.
Aujourd’hui on parlerait de performances ou d’installations par exemple.
Thibaut de Saint-Maurice. letudiant.fr (3-4-13).
À
l’instar de Lénine, le projet révolutionnaire vise ainsi d’emblée la fin d’un
système économique et marchand tel qu’on le connaît, et également à former des
conseils révolutionnaires, c’est-à-dire des groupes autonomes ou des communes
autogérées et non hiérarchiques. Le but n’est ainsi pas de donner le pouvoir au
prolétariat : le projet révolutionnaire privilégie l’individu aux rapports
de classe.
Blouin. Artinfo (10-4-13).
Ouvrons
d’abord L’Ensorcelée de Barbey d’Aurevilly, écrivain dandy, catholique
et réactionnaire, dont les Romans reparaissent en Quarto dans la
remarquable édition de Judith Lyon-Caen. On tombe, dès la première page, sur
une description de la lande de Lessay. Pour Barbey, ce paysage fait partie des « haillons sacrés qui disparaîtront au premier jour sous le souffle de
l’industrialisme moderne ; car notre époque, grossièrement matérialiste et
utilitaire, a pour prétention de faire disparaître toute espèce de friche et de
broussailles aussi bien du
globe que de l’âme humaine ».
Intéressons-nous
ensuite à ce que dit Guy Debord, le critique de la « société du
spectacle », dont il est souvent question dans Contre-cultures !,
un collectif sous la direction de Christophe Bourseiller et Olivier
Penot-Lacassagne. Debord, dans In girum imus nocte et consumimur igni, note,
à propos de ses contemporains : « Ils sont transplantés loin de leurs provinces ou de leurs quartiers, dans un paysage nouveau et
hostile, suivant les convenances concentrationnaires de l’industrie présente.
Ils ne sont que des chiffres dans des
graphiques que dressent des
imbéciles. »
Tout
de même, cet air de famille a quelque chose de troublant qui ne pouvait que
stimuler le mauvais esprit de Causeur. Voici Barbey et Debord communiant
dans la même détestation de leur époque respective. Est-ce à dire que Barbey
d’Aurevilly le monarchiste était un « situ » ? Et Debord le révolutionnaire,
un antimoderne ? Léon Daudet et Philippe Muray ont bien montré qu’une
certaine bêtise mortifère propre au «stupide XIXe siècle » avait su
se métastaser jusqu’à nos jours. Et si la contre-culture, selon Bourseiller et
Penot-Lacassagne, a bien été cette protestation protéiforme contre un temps
béatement persuadé de son excellence, alors pourquoi ne pas considérer Barbey,
écrivain marginal à la postérité tardive, comme son pionnier involontaire et
paradoxal ? Cette filiation paradoxale n’efface pas les différences entre
le situationniste et le réactionnaire, mais elle devrait au moins troubler les
amateurs de représentation binaire du monde.
Jérôme Leroy. Causeur
(7-4-13).
Si
Debord est à la fois classique et maudit, au même titre que Barbey d’Aurevilly,
ce n’est pas seulement par son style d’écriture, tout en virtuosité Grand
Siècle. Ne nous laissons pas tromper par la virulence acide de ses derniers
pamphlets, écrits en réponse aux odieuses accusations dont il fut l’objet après
l’assassinat de son ami et éditeur, Gérard Lebovici, en 1984. On y lit des
aphorismes mélancoliques − « Je n’ai jamais cru aux valeurs reçues par mes
contemporains et voilà qu’aujourd’hui personne n’en connaît plus aucune » - ou
mordants - « Je ne suis pas un journaliste de gauche : je n’ai jamais dénoncé
personne » - proches des meilleures saillies cioranesques.
Daoud Boughezala, Causeur (14-4-13).
Le confusionnisme
intéressé
On
aurait pu mettre François en couverture. On a préféré Guy. On aurait pu
s’enchanter en une de Télérama de ce
nouveau pape de terrain, homme de prière et de foi, ardent défenseur en
Argentine de la justice sociale, ennemi du capitalisme et de la pauvreté. On
lui a préféré un autre type de guerrier, un autre contempteur de notre société
marchande devenue opprimante société du spectacle : le situationniste Guy
Debord. Sacrilège journalistique ? Et si c’était justement pour rendre
hommage à ce successeur discret de saint Pierre ? Il n’a accordé qu’une
seule interview, paraît vouloir refuser le spectaculaire de la pompe vaticane.
Pour quelques heures encore, tous les médias ont les yeux braqués sur Rome.
L’antimodernité affichée de l’Église, son rituel papal millénaire restent
étonnamment attractifs en nos périodes d’obsolescence programmée. Rendre
hommage au nouveau pape (p. 17), c’est peut-être pour une fois respecter le
temps long du spirituel et des profondes réformes à entreprendre pour remarier
l’Eglise au monde. Ne pas céder à l’évènementiel, mais ouvrir le champ des
questionnements sur l’aujourd’hui. Et, pour cela, le visionnaire Guy Debord,
célébré à la Bibliothèque nationale de France, peut grandement aider. Guy
d’abord.
Fabienne Pascaud. Télérama (26-3-13).
Ses
façons de procéder sont absolument différentes des miennes – je n'ai pas
choisi, comme lui, la position du retrait, plutôt celle de l'utilisation à
haute dose de la technique médiatique, mais le but est le même.
Philippe Sollers. Télérama (26-3-13).
La calomnie
démesurée
Les
arguments biographiques contre Guy Debord de Gérard Guégan, qui l'a bien connu,
sont évidemment convaincants (…) C'est vrai qu'il y a un petit côté farceur
chez lui - sur ce point, Régis Debray n'a pas tout à fait tort.
Sébastien Lapaque. Le Figaro (26-3-13).
Que cela plaise ou non, il est parfaitement établi
que le 17 mai, les enragés et les situationnistes durent quitter la Sorbonne à
la demande des autres mouvements étudiants, ils s'installèrent alors à l'INP.
Marc Lenot. lunettesrouges.blog.lemonde.fr (14-4-13).
Très
chatouilleux sur ce qu’on écrivait sur lui, Debord prit mal un roman de
Bertrand Delcour, Blocus solus, paru dans la Série Noire (Numéro 2430).
L’auteur y campait un « Guy
Bordeux, leader charismatique de l’Internationale Simulationniste, auteur culte
de La Société du Spectral ». Debord prit cela comme
prétexte pour aller ailleurs. La raillerie, même légère, ne passait pas.
Raphaël Sorin, Lettres ouvertes (16-4-13).
Guy Debord et sa femme Alice Becker-Ho avaient l'habitude de se faire
livrer chez eux, à Bellevue-la-Montagne (Auvergne), du miel, commandé
chez Hédiard, le chiquissime traiteur de la place de la Madeleine, par
hélicoptère. Merci les largesses de Gérard Lebovici: le cofondateur
d'Artmedia était admirateur transi de Debord.
Audrey Lamariesse, Technikart (13-5-13).
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