Un article de Philippe Dagen, paru dans le Monde du 25 janvier 2011, évoque l’Hommage à Charles Fourier, dit La Quatrième Pomme, de Franck Scurti – qui semble être à Fourier ce que Buren est à l'Internationale situationniste. Cette commande publique de la Ville de Paris a été placée, boulevard de Clichy, sur le socle qui portait une statue en bronze de Fourier, enlevée par les Nazis en 1942.
Comme le souligne Dagen, rien ne rappelle au passant que ce socle a été de nouveau occupé il y a un moins d’un demi-siècle. Cependant, le critique d'art du Monde donne une singulière version de ce précédent. A l’en croire, « en mai 1968, des étudiants des Beaux-Arts dressèrent une réplique en plâtre de l’œuvre originale et celle-ci fut prestement enlevée par une intervention des CRS. L’affaire est racontée dans le dernier numéro de L’Internationale situationniste. » Certes, mais la notule de l’I.S. « Le retour de Charles Fourier » rend compte de l’affaire en des termes tout autres que ne le fait Dagen.
C’est tout d’abord le 10 mars 1969, et non en mai 1968, que la réplique en plâtre de la statue de Charles Fourier fut placée sur son socle. La date erronée que donne Dagen pourrait témoigner d'une confusion avec la petite activité subversive déployée par certains étudiants des Beaux-Arts en mai 68. Or rien dans la notule « Le retour de Charles Fourier » ne permet d’attribuer cette réplique à des étudiants des Beaux-Arts. On y lit plutôt : « Une plaque gravée à la base de la statue en disait l’origine : “En hommage à Charles Fourier, les barricadiers de la rue Gay-Lussac”. ».
On peut lire par ailleurs dans le quatorzième fascicule de l’Encyclopédie des Nuisances que l’auteur de cette réplique était Pierre Lepetit. Surnommé Pierre Le Graveleur, mot-valise rendant hommage à ses qualités de graveur et de lanceur de pierres, Lepetit fut membre du Groupe libertaire de Ménilmontant à la fin des années 60, et du Conseil pour le maintien des occupations en mai 1968. Au style, on devine le voyou (« C’était l’élite : c’était la pègre »). Nous sommes là en présence d’un personnage subversif assez éloigné, selon toute apparence, de l’univers potache des Beaux-Arts.
L’article « La statue de Charles Fourier reparaît pour une nuit place Clichy », paru dans Le Monde daté du 13 mars 1969, attribuait l’opération à un commando d’une vingtaine « d’inconnus » [Note du 30 mars 2011. François de Beaulieu, membre de l'Internationale situationniste, confiera à Christophe Bourseiller: « Voilà un bon souvenir. C'était une statue magnifique, peinte en imitation bronze. Elle était très belle. J'étais dans une équipe en bleu de travail avec une camionnette. Nous étions déguisés en employés de la Ville de Paris. Dans l'opération, il y avait Jacques Le Glou, Christian Sébastiani...» (Archives situationnistes, numéro 3, automne 2003)]. Une quarantaine d’années après, ce même quotidien croit savoir que ces inconnus étaient « des étudiants des Beaux-Arts ». Et voilà comment Le Monde, dont le style est déjà trop difficile pour l’étudiant, est vraiment un journal « objectif » qui reflète l'actualité.
(A suivre.)
Voici comment l'artriste Franck Scurti présente lui-même sa 4e pomme (misère !) :
RépondreSupprimer« Ma proposition pour la conception d'un hommage à Charles Fourier associe l'image de la pomme comme catalyseur du principe d'attraction universel à celle du planisphère comme principe d'organisation et de planification du monde. Le projet se développe à partir du socle original de la statue d'Emile Derré et se fonde sur l'opposition du cube et de la sphère, de la transparence et du reflet. L’ensemble étant structuré par la relation harmonique entre les trois couleurs primaires et leurs complémentaires.
J'ai décidé de situer idéalement mon hommage à Charles Fourier au centre du terre-plein proposé. Le positionnement central de I'œuvre sur le terre plein est important, car symbolique en rapport à son sens propre (l'harmonie universelle), mais aussi à son inscription dans le quartier. En effet, "La quatrième Pomme", placée au début de la séquence paysagère du boulevard de Clichy, qui mène à la place Pigalle et à ses commerces érotiques pourrait devenir une sorte d'emblème, un totem pour le quartier et les populations. La dimension totémique recouvre et joue à la fois comme facteur de reconnaissance d'un lieu et de lien entre l'individu et la collectivité. »
Allez- y voir vous-mêmes si vous ne voulez pas le croire.
RépondreSupprimerOn a failli avoir droit à du (post)tiqqun avec Claire Fontaine :
RépondreSupprimer"« Inaugurée le 4 juin 1899, la statue de Fourier réalisée par Emile Derré (1867 – 1938)
est élevée dans le 18eme arrondissement à Paris, Place de Clichy, quartier bien
évidemment populaire. Détruite sous l’Occupation, la statue est fondue en novembre
1941, mais son socle reste longtemps vide, malgré plusieurs tentatives de
remplacement. Il faudra attendre 1969, avec les assauts de quelques étudiants,
nostalgiques de mai 1968, la commande de la Société des Amis de Charles Fourier,
puis l’intervention du Collectif aéroporté (2007), ainsi que le concours organisé par le
Département de l’Art dans la Ville de Paris, pour que l’hommage soit renouvelé.
Invités à questionner la « Théorie de l’Unité Universelle » du natif de Besançon,
« plutôt que de s’en tenir à la représentation illustrative de sa figure », J.-M. Alberola,
Claire Fontaine, L. Gillick, M. Potrc, G. Orozco, J. Scanlan et F. Scurti livrent des
projets aussi divers que poétiques.
C’est La Quatrième Pomme du lauréat Franck Scurti qui viendra en 2010 combler le
socle. »