jeudi 1 octobre 2009

Mieux vaut tard que jamais





AVANT


« Kojève, qui n’avait pas son pareil pour saisir le vif, enterra le Mai français d’une jolie formule. Quelques jours avant de succomber à une crise cardiaque dans une réunion de l’OCDE, il avait déclaré au sujet des “événements” : “Il n’y a pas eu de mort. Il ne s’est rien passé.” Il en fallut un peu plus, naturellement, pour enterrer le mai rampant italien. Un autre hégélien surgit alors, qui s’était acquis un crédit non moindre que le premier, mais par d’autres moyens. Il dit : “Écoutez, écoutez, il ne s’est rien passé en Italie. Juste quelques désespérés manipulés par l’État qui, pour terroriser la population, ont enlevé des hommes politiques et tué quelques magistrats. Rien de notable, vous le voyez bien.” Ainsi, grâce à l’intervention avisée de Guy Debord, ne sut-on jamais de ce côté-ci des Alpes qu’il s’était passé quelque chose en Italie dans les années 70. Toutes les lumières françaises à ce sujet se réduirent donc jusqu’à aujourd’hui à des spéculations platoniques sur la manipulation des BR par tel ou tel service de l’État et le massacre de Piazza Fontana. Si Debord fut un passeur exécrable pour ce que la situation italienne contenait d’explosif, il introduisit en revanche en France le sport favori du journalisme italien : la rétrologie. Par rétrologie – discipline dont l’axiome primordial pourrait être “la vérité est ailleurs” –, les Italiens désignent ce jeu de miroirs paranoïaque auquel s’adonne celui qui ne peut plus croire en aucun événement, en aucun phénomène vital et qui doit constamment, de ce fait, c’est-à-dire du fait de sa maladie, supposer quelqu’un derrière ce qui arrive – la loge P2, la CIA, le Mossad ou lui-même. Le gagnant sera celui qui aura fourni à ses petits camarades les plus solides raisons de douter de la réalité. »
(Tiqqun n°2, 2001, Ceci n’est pas un programme)


APRÈS

« Rien ne permet d'expliquer que le département du renseignement et de la sécurité algérien suspecté d'avoir orchestré, au su de la DST, la vague d'attentats de 1995 ne soit pas classé parmi les organisations terroristes internationales. (…) Il s'agit, par tout un luxe de provocations, d'infiltrations, de surveillance, d'intimidation et de propagande, par toute une science de la manipulation médiatique, de l'“action psychologique”, de la fabrication de preuves et de crimes, par la fusion aussi du policier et du judiciaire, d'anéantir la “menace subversive” en associant, au sein de la population, l'ennemi intérieur, l'ennemi politique à l'affect de la terreur. »

(Julien Coupat, « La prolongation de ma détention est une petite vengeance », Le Monde, 26 mai 2009)

























4 commentaires:

  1. a propos de maniplation policière, la bande à Bonnot est un cas d'école ...

    cela dit les deux texte (tronqués) juxtaposés ci dessus, ne sont en rien contradictoires

    oui il s'est bien passé des choses en Italie dans les années 70, certaines avaient à voir avec "gladio" et d'autres pas (dont parle la suite de l'article de tiqqun) .

    RépondreSupprimer
  2. Il est passé presque dix ans du "Ceci n'est pas un programme" et l'affaire Tarnac. Et bien, il est l'heure de quitter Kant en faveur de Hegel, de lire plus Debord et moins Foucault.

    comite_insurgente@riseup.net (Brésil)

    RépondreSupprimer
  3. Contrairement aux allégations mensongères contenues dans le commentaire du 8 octobre, les deux textes cités ne sont pas tronqués.
    S’il est avéré que la bande à Bonnot a été victime d’indicateurs, ni l’historien Jean Maitron, auteur du Mouvement anarchiste en France, qui a eu accès aux Archives de la Préfecture de police, ni Bernard Thomas, auteur de La Bande à Bonnot et des Provocations policières, ne signalent la moindre manipulation des « bandits tragiques ». Jusqu’à preuve du contraire, l'affirmation de l'anonyme à ce sujet est parfaitement gratuite.
    En revanche, il est établi que les Brigades Rouges ont été infiltrées par plusieurs agents provocateurs. Citons, par exemple, Francesco Marra (agent du Bureau des Affaires spéciales), Marco Pisetta (indicateur du SID avec le nom de code « source Fox ») et Silvano Girotto, dit « Frère Mitraillette » (infiltré par les carabiniers).

    RépondreSupprimer
  4. Cher M Bonnot,

    Ma réponse tardive n’est due qu’à un manque de temps libre et non à une quelconque volonté de clore un débat.

    Je suis un des anonymes. Le seul message que j’ai posté était celui sur la bande à Bonnot et le terme malheureux, je le reconnais de « manipulation ». Je viens de me replonger dans le livre de B. Thomas et effectivement, mes souvenir étaient bien embrouillés. Mea culpa donc.

    Va aussi pour la discutable posture irrespectueuse des tiqqun envers Debord. Quoique quelques vannes et critiques entre « amis » (au sens ou l’entendent les tiqquns), ça ne fait pas de mal à mon avis. Debord avait ses travers, comme les tiqquns ont les leurs, …

    Enfin, je continue à penser que le contenu de l’article « ceci n’est pas un programme » est loin de se limiter à cette posture et apporte un éclairage et une réflexion totalement différents de ceux des écrits de Debord.

    Bonne journée à vous.

    El chapulin colorado

    RépondreSupprimer